Publié le : 28/02/2017 16:20:15
Catégories : Interviews et témoignages
C'est dans un bel appartement du 8e arrondissement de Marseille que nous rencontrons Alice, 30 ans, et sa petite Camille, tout juste deux mois.
La jeune maman a accepté de nous parler des débuts de son allaitement, qu'elle qualifie elle-même de très difficiles, et pour cause : elle a enchaîné les complications dès la maternité.
A la naissance, Camille a la gorge encombrée par les glaires : elle est gênée et régurgite rapidement le produit des tétées en toussant pour les évacuer. Le personnel rassure Alice : ce n'est pas une situation exceptionnelle et tout rentrera dans l'ordre dans les 24h. La jeune maman essaye tout de même de mettre son bébé au sein mais sans insister. Mais après 24h sans manger, la petite est fatiguée et passe "en mode économie d'énergie".
"Elle ressemblait à un chamallow, se souvient Alice. Elle était épuisée et n'avait aucune envie de manger."
La petite perd rapidement du poids et l'équipe soignante conseille à la jeune maman de la réveiller toutes les trois heures pour la faire téter.
Alice s'exécute, mais l'expérience est compliquée : difficile de réveiller un bébé qui dort profondément. Camille s'énerve de ces réveils intempestifs, allant jusqu'à faire des "crises de rage".
Néanmoins, la ténacité d'Alice est payante : Camille finit par reprendre du poids, et, au bout de six jours, Mère et fille peuvent quitter sereinement la maternité.
Le répit sera malheureusement de courte durée. A peine rentrée à la maison, la jeune maman souffre de crevasses, d'abord sur un sein puis rapidement sur les deux. L'utilisation de bouts de sein en silicone et de crème ne font rien pour la soulager. La douleur est si intense qu'Alice en vient à redouter la prochaine tétée.
Elle n'est pourtant pas au bout de ses peines. Au bout d'une semaine, elle remarque une large rougeur sur le côté d'un de ses seins. La fièvre ne tarde pas à suivre : c'est une mastite (En savoir plus sur la mastite grâce au Guide pratique de l'allaitement).
"Heureusement, ma soeur était déjà passée par là", raconte Alice. "Elle m'a immédiatement conseillé de drainer au maximum le sein infecté. Après la tétée, j'allais donc sous la douche appliquer de l'eau très chaude pour finir de vider mon sein".
La technique fonctionne mais la mastite réapparaîtra tout de même deux fois sur le même sein.
Quand le deuxième sein est touché à son tour, la jeune maman, désemparée, décide de faire appel à une consultante en lactation.
"Le tarif annoncé pour la consultation (70€) paraissait assez élevé mais je n'imaginais pas d'arrêter l'allaitement si tôt, et j'avais vraiment besoin de conseils."
Lors de la consultation, effectuée à domicile, la spécialiste prend d'abord le temps de discuter avec la jeune femme pour bien cerner les difficultés rencontrées. Elle demande ensuite à Alice de mettre Camille au sein pour observer la tétée.
"Elle était très cool et détendue, c'était apaisant. Elle m'a aidé à me caler confortablement sur un gros coussin et a allongé Camille sur moi." Cette position, dite "position naturelle" évite que le bébé ne tire sur le mamelon. Elle empêche également qu'il s'étouffe si le lait coule un peu trop vite."
La consultante conseille à Alice de ne pas hésiter à prendre Camille avec elle dans son lit. "En répondant au maximum à son besoin de contact, on rassure le bébé, qui aura ensuite plus de facilité à se détacher le moment venu."
Avant de partir, la consultante recommande à la jeune femme de ne pas hésiter à l'appeler si elle a d'autres questions. "Je l'ai appelé deux ou trois fois et elle a été vraiment très disponible. Au final, le tarif de la consultation valait largement le temps qu'elle m'a consacré!"
Forte des conseils de la spécialiste, la jeune maman poursuit son allaitement. Camille a alors trois semaines et les crevasses, tout comme les mastites, ne sont plus qu'un mauvais souvenir...quand Alice commence à ressentir des douleurs dans le dos pendant les tétées. D'abord une simple gène, "comme une pointe", puis la douleur commence à irradier dans le bras, allant jusqu'à provoquer des fourmillements dans le petit doigt.
La jeune femme craint alors que ces nouveaux symptômes, sans lien évident avec la poitrine, soient d'origine psychosomatique. "Je me suis dit : tu deviens folle! Ca fait trois semaines que tu es à la maison à galérer avec ton allaitement, tu n'en peux plus!"
Heureusement, elle peut compter sur l'expertise de sa consultante en lactation. Consultée par téléphone, cette dernière diagnostique immédiatement un vasospasme. Cette pathologie, peu courante, peut notamment être observée lorsque la succion du bébé est trop forte. Les symptômes peuvent alors persister un long moment après la tétée.
Le vasospasme du mamelon
Du latin vas ("vaisseau") et spasmus (”convulsion, spasme”), le vasospasme est une contraction des vaisseaux sanguins limitant ou empêchant l'afflux de sang dans la zone concernée (ici le mamelon).
Cette contraction des vaisseaux provoque généralement d'intenses douleurs, souvent décrites comme un "coup d'épée".
Ces douleurs se manifestent lorsque Bébé est au sein, mais peuvent également persister, voire s'intensifier, entre les tétées.
Privé de sang, le mamelon blanchit, virant parfois au bleu, avant de rougir intensément lorsque le sang revient.
Le vasospasme du mamelon peut avoir deux origines différentes :
Il peut être lié au froid : il s'agit alors d'une manifestation du syndrome de Raynaud.
Le syndrôme (ou maladie) de Raynaud est un trouble de la circulation du sang, qui toucherait 20% des femmes en âge de procréer
Les personnes atteintes de ce syndrôme connaissent bien cette sensation en hiver : leurs mains, leurs pieds, leur nez sont glacés, et il est extrêmement difficile de les réchauffer.
La même chose peut se produire au niveau des mamelons lors des tétées, provoquant des douleurs lancinantes.
Le traitement dépend de la cause de votre vasospasme.
Il est toujours utile de faire vérifier la succion de Bébé par un professionnel, particulièrement si, comme Alice, vous rencontrez des difficultés avec votre allaitement.
Si la succion de Bébé est bonne, voici quelques solutions qui peuvent vous soulager.
Dans le cas d'Alice, le vasospasme est d'origine mécanique : Camille a des tensions dans les mâchoires qui l'empêchent de téter correctement.
"J'étais vraiment soulagée d'apprendre que ce que je ressentais avait une véritable cause physique, et pouvait être traité!"
La spécialiste conseille en effet à Alice de consulter un ostéopathe spécialiste de l'allaitement, qui manipule à la fois la mère et l'enfant. "Contrairement à ce que j'espérais ça n'a pas été magique: la douleur était toujours là quand on est rentrées à la maison. Mais dans la semaine qui a suivi, plus rien!"
Hasard du calendrier? La disparition de la douleur coïncide avec la fin du premier mois d'allaitement. "La consultante avait évoqué le fameux délai de 40 jours nécessaire à la mise en place de l'allaitement. Pour moi, ça a vraiment été ça. Et ça valait le coup de tenir bon : aujourd'hui l'allaitement se passe très bien. Camille vient même de faire sa première nuit complète!"
De ce mois de galère, Alice a tiré trois leçons importantes, qu'elle souhaite partager avec les futures et jeunes mamans.
La première concerne l'angoisse des premiers jours. "A la maternité, contrairement à ce qu'on pense, le bébé ne va pas forcément réclamer le sein à grands cris. La tétée à la demande d'accord, mais il faut être vigilant et ne pas laisser passer trop de temps entre les tétées pour éviter qu'il perde trop de poids."
Ensuite, il ne faut pas hésiter à appeler le personnel soignant à chaque mise au sein. Cela permet de vérifier que la position adoptée est bonne, et d'éviter de prendre de mauvaises habitudes qui pourrait conduire à des crevasses.
Le dernier conseil d'Alice?
"Quand on cherche des infos sur l'allaitement, on lit souvent qu'il ne faut pas écouter les autres, mais se faire confiance. Je dirais plutôt : écoutez les conseils qu'on vous donne, essayez de les appliquer et voyez ce qui fonctionne pour vous et votre bébé!"